Cérémonie de comémoration du génocide des Tutsis au Rwanda - 1994-2024

Voici le discourt prononcé par M. le maire Christian Bussat lors de cette cérémonie comémorative :

 

Monsieur le représentant de Ibuka Rhône-Alpes

Messieurs les maires

Chers amis rwandais

Chers amis dieulefitois.

 

Nous bénéficions ici, à Dieulefit, d’un lieu pour accueillir nos amis rwandais, et nous recueillir en mémoire du génocide des Tutsi au Rwanda,

et en souvenir de Jean Carbonare. Je salue chaleureusement sa femme Marguerite, et sa fille Myriam. Et je remercie la municipalité précédente, qui sous l’impulsion de sa Maire, Mme Priotto, a créé ce lieu, et l’association Intore za Dieulefit, et sa présidente, Mme Anne Marie Truc, qui a longtemps œuvré pour que les liens entre nous soient bien vivants.

 

La finalité principale de cette cérémonie est de témoigner de notre solidarité envers les victimes du génocide Tutsi. Il s’agit de les épauler, de leur dire : « Nous sommes là ». Nous ne prétendons pas pouvoir vous aider à guérir l’inguérissable, mais nous sommes là, vous n’êtes pas seuls, ni fous. Nous savons que cela a existé. Nous pensons aux familles de celles et ceux qui l’ont subi, de celles et ceux dont la vie a été injustement volée, de celles et ceux qui ont été brutalisés d’une manière qui dépasse l’entendement, de celles et ceux qui en ont rechapé... Trente ans, ça paraît long, mais c’est en réalité très court.

 

Le 7 avril 1994, la communauté internationale, bien qu’avertie des risques de génocide à l’encontre des Tutsis décident de rapatrier tous les ressortissants occidentaux et casques bleus. En revanche, aucune action militaire ne fut alors entreprise pour stopper le génocide des Tutsis, alors même que des troupes aguerries étaient déployées pour sécuriser ces rapatriements. En cent jours, près d’un million de Tutsi périrent et de nombreux Hutus modérés furent également assassinés. On sait aujourd’hui que le déclenchement des massacres a été orchestré au sommet de l’Etat. Que dans certaines provinces, les préfets ont coordonné la traque et l’exécution des Tutsi.

 

Grace au travail énorme de la commission Duclert, dont je salue une des principales membres, Chantal Morelle, le président Macron a reconnu à ce jour que « la France aurait pu arrêter le génocide, mais qu’elle n’en a pas eu la volonté ». Avec cette déclaration, c’est un aveuglement de trente ans qui prend fin. Nous savions déjà depuis 2021, que la responsabilité de la France était « lourde et accablante ». Il nous faut désormais admettre que notre nation s’est fourvoyée en soutenant financièrement et militairement un régime qui se préparait au pire contre une partie de sa population. Peu à peu, les responsabilités des gouvernants d’alors sont dévoilées. Je souhaite que ce travail de mémoire et de jugement avance chez nous.

 

Je souhaite rappeler à tous le rôle particulier de Jean Carbonare. Il est envoyé en 1993 par les Nations unies avec un groupe d’experts pour comprendre ce qui se prépare au Rwanda. Il revient affolé par ce qu’il a vu et compris de ce qui se préparait. Malgré des interventions répétées au plus haut niveau de l’État, il n’arrive pas à se faire entendre, et devient même la cible des défenseurs aveuglés de la politique française. Il sera après le génocide un ardent artisan de la reconstruction du pays. Il est aujourd’hui un des très rares occidentaux à avoir sa photo au musée du génocide à Kigali et à être reconnu comme un grand ami du Rwanda. Je salue, trente ans après, sa mémoire et son courage. Et j’y associe, naturellement, sa famille.

 

Pour ma part, je crois que nous avons une dette vis-à-vis de l’infinie solitude des rescapés. Pour qui le deuil est impossible. Pour qui le silence est une gangrène, mais pour qui parler est une blessure à vif qu’ils s’infligent à eux-mêmes.

 

Pour l’Histoire, il faut témoigner. Pour le droit, il faut témoigner. Pour ce qu’il y a d’universel dans le génocide des Tutsis, il faut témoigner. Mais parler fait mal. Nous y voilà. C’est nous qui avons besoin des rescapés. Car l’objectif central de nos commémorations n’est pas de perpétuer sans fin le souvenir de l’horreur, mais plutôt d’empêcher la survenue de futurs génocides et crimes contre l’humanité. En en décortiquant la mécanique morbide, en apprenant à identifier les signes avant-coureurs, en retenant quelques enseignements pour agir. Nous sommes rassemblés pour vous aider à vous tenir debout, pour contribuer au processus de réconfort. Et pour nous sauver tous !

 

Je vous remercie.